Histoire de fidélité
« Nous vivons des choses très dures, mais je ne peux pas rester à terre, il faut que je me relève, sinon qui va relever mes enfants, nos enfants ? » nous confie Joël.
Joël est un grand témoin du Mouvement ATD Quart monde en Centrafrique. Un ami fidèle, pas de temps en temps, mais fidèle toujours et tous les jours … Il a connu ATD Quart Monde en 1988 à travers les enfants qui passaient souvent devant sa maison sur le chemin qui les conduisait à « la Cour aux 100 métiers ». Il participe depuis aux activités lancées par le mouvement. «Nous avons fait une bibliothèque de rue avec les enfants au niveau du quartier Km5 » dit-il. Il ajoute : « cela m’a poussé à réfléchir, à connaître ce qu’est une famille vraiment pauvre. J’ai découvert que d’autres vivaient des situations plus graves que nous, des familles qui se sont recroquevillées dans leur vie, qui se cachent, qui ne veulent pas recevoir les gens. C’est à travers les enfants de la rue que j’ai rencontré leurs parents … »
La fidélité au cœur, il garde le lien avec les enfants malgré les tragédies que connaît le pays à la fin des années 90. Il les rejoint là où ils se cachent, dans le marché, dans des maisons abandonnées.
Son engagement l’a amené à travailler ensuite comme éducateur à la Voix du Cœur, une structure qui accueille les enfants se trouvant à la rue.
Depuis le début des violences qui ont repris dans le pays ces derniers mois, et malgré la précarité de sa propre situation, Joël n’a pas cessé d’aller à la Voix du Cœur, parce que ces enfants aussi font partie de sa famille. Au lieu des 45 qui y sont habituellement accueillis, il y retrouve plus de 400 enfants et adolescents, sous la protection des deux seuls gardiens. Ils ont trouvé là un semblant de sécurité quand en ville, le pire est possible.
Tout manque. Joël contacte et accueille des représentants d’ONG, des organismes, des ambassades. Il parvient à obtenir de la nourriture, des bâches, des tentes, pour que les enfants aient à manger et où dormir. Il souffre quand ces distributions sont faites dans des conditions qui ne mettent pas les enfants à l’honneur. Joël travaille presque tous les jours. Et après le travail, il marche des kilomètres pour aller voir ses filles, qu’il a mises en sécurité chez des parents dans un autre quartier. Il est infatigable et fidèle.
Un dimanche, mi janvier, alors que nous prenions tous ensemble le café du matin, Joël se prépare pour aller au culte. On l’appelle au téléphone. Des jeunes ont ramené à la Voix du Cœur, dans une brouette, le corps d’un de leurs camarades. Joël se précipite, pour faire en sorte que le corps soit porté à la morgue, comme tant d’autres. Toute la journée Joël est là, à rechercher la famille de ce jeune. C’est lui qui fait les démarches administratives, qui essaie de comprendre ce qui s’est passé. Il explique: « nous avons découvert que sa famille était toute proche à quelques rues de la Voix du Cœur. Son père n’avait plus vu son fils depuis 20 ans, il était parti à l’âge de 5 ans. C’est sa grande soeur qui a recouvert le corps de son pagne. Les autres jeunes sont venus nombreux les rejoindre ».
On raconte que le jeune aurait été abattu parce qu’il avait pillé. Joël découvre qu’en fait, il a été tué stupidement par une personne armée, comme cela, gratuitement, sans même qu’il y ait eu pillage. Joël veut qu’on respecte le jeune décédé. Il veut calmer ses amis. Ce n’est pas facile, car ils ont la vengeance en eux, leur camarade a été tué. Joël n’arrivera pas à les contenir tous. Le commerce appartenant à l’auteur du coup de feu sera pillé. Joël déplore : « Comment faire pour que ces jeunes aient un avenir autre que reproduire la violence qu’ils ont subie ? ».
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