« Unifier la famille humaine dans toute sa diversité, créer la paix »

22 mai 2014 at 10 h 15 min

fresque Bangui Mpoko-1

Les volontaires de l’équipe de Bangui, Michel et Froukje, se sont rendus pour la première fois sur le site de déplacés de M’Poko, près de l’aéroport de Bangui. Ils y ont découvert un terrain vaste avec des milliers des familles qui vivent dans des tentes faites de bâches, de pagnes, de plastiques, de feuilles d’arbres. Chacun déploie des trésors d’organisation pour que la vie continue. Nora vend des repas près de la tente où les jeunes animateurs d’ATD Quart Monde font leurs activités. « La vie n’est pas facile, mais grâce à Dieu, on est là » dit-elle en accueillant les volontaires.

Au bureau de Première Urgence, des jeunes s’activent sur la préparation d’une intervention au sujet des deux semaines de sensibilisation qu’ils ont faites sur le site. Plus tard dans l’après midi, ces mêmes jeunes font le compte rendu lors de la réunion avec les responsables.

 Geena est très satisfaite de ces deux semaines de sensibilisation auxquelles elle a participé bénévolement avec des jeunes d’ATD Quart Monde et d’autres organisations. Les animateurs étaient tristes de se séparer à M’Poko. Les chefs de plusieurs quartiers ont demandé à Ulrich de continuer ailleurs, dans d’autres quartiers.

Parmi les jeunes, les idées fusent : nettoyage de canaux en cette saison des pluies, activités dans les écoles pour encourager la reprise. Même s’ils sont conscients qu’ils ne peuvent s’engager partout, l’idée germe de mobiliser d’autres jeunes là où chacun a des liens. (…) Romain a un projet dans son quartier. Il vient de passer une semaine à y faire des travaux d’assainissement avec sa famille. Il voudrait créer une association de jeunes dont le but serait de faire des actions pour le quartier en lien avec un comité d’adultes, de parler de la santé, de changer les mentalités car « comme la violence a duré, on pense qu’il n’y a plus que ça ». Leur nom: «  Espoir des Jeunes ».

Une bache qui illustre les espoirs..

Le logo serait un bonhomme : un pied pour « solidaire », un autre pied pour « citoyen », une main pour l’« amitié » et une autre main pour l’« intelligence » (ou « apprendre »). La tête, avec deux yeux grands ouverts, portera le mot Espoir. C’est fort de tout ce qu’ils vivent ensemble dans leurs actions avec les enfants, dans les écoles, que Romain aujourd’hui se tient debout avec des rêves et des projets plein la tête et les mains.

 Hector, qui anime une bibliothèque sur une île face à la ville de Bangui, continue : «  il faut cultiver la solidarité parmi les gens qui ne connaissent pas la paix. Nous sommes des exemples qui peuvent partager ça. Quand le pays sera libre, nous serons libres pour aller dans chaque site partager cette amitié. Ce qu’on a fait avec Ulrich à M’Poko, on ne peut pas laisser que les enfants des autres sites perdent ce savoir. Quand le pays ne sera plus malade, on pourra partager le savoir aux enfants d’autres sites. »

 Ces rêves rejoignent les efforts de paix du pays. Le ministère de la communication et la réconciliation a lancé une campagne d’affichage dans toute la ville avec des dessins de divers artistes locaux soutenue par quelques ONG. Un ami artiste, Antoine, participe à cette campagne, son affiche porte un beau dessin avec une phrase en français et en sango : « Nous voulons vivre ensemble – I yé ti douti oko ».

 Au cours d’une animation tout le mois d’avril, les enfants guidés par les jeunes ont peint une bâche magnifique pour laisser une trace là où ils vivent aujourd’hui. Elle représente leurs espoirs pour demain, avec cette phrase qui fait partie de la mission d’ATD Quart Monde en Centrafrique : « Unifier la famille humaine dans toute sa diversité et donc créer la paix ». Elle sera remise bientôt à Médecins Sans Frontière à l’occasion d’une réception festive.

Antoine ajoute « on veut montrer que les jeunes ont fait de bonnes choses, il n’y a pas que les violences qui se cultivent, on cultive aussi la paix». (….)

Ulrich explique « Les kotazos (hauts placés) disent que les jeunes c’est l’avenir de demain. Si la jeunesse n’est pas bien préparée aujourd’hui, si les jeunes sont abandonnés à eux mêmes, s’ils n’ont pas de structures pour savoir quel est leur statut, quelle est leur place dans leur communauté ? Tout le monde ne va pas à l’école, alors comment faire pour avoir une autre chance en dehors de l’école ? Où peuvent-ils découvrir qu’ils peuvent contribuer au développement de leur communauté ? Nous récoltons les comportements négatifs, mais on ne peut pas les condamner. Un jeune est en train de piller. Il te dit : « Je le fais pour aller vendre pour sauver ma famille ». Tellement la pauvreté est là, je ne peux pas le condamner.

La meilleure façon de le pousser à ne plus voler, c’est de le rendre responsable. Si on lui dit : « Maintenant tu es un leader, tu es responsable de 1000 personnes », il ne va pas aller voler. Si on a un comportement bon, on  peut inciter les autres à avoir un comportement meilleur. »

 Dans les jours qui viennent, de plusieurs sites de déplacés et quartiers comme M’Poko, Bimbo, Danzi, Koula Mandja, Walingba, depuis l’île où Hector et ses amis lisent, des membres du mouvement, des enseignants et d’autres jeunes engagés dans des associations locales marcheront vers la Cour. Ils préparent leur participation à une rencontre « vers la citoyenneté par le chemin de la paix » qui aura lieu en début juin avec l’association rwandaise Umuseke. Une rencontre pour partager leurs savoirs et leurs réflexions autour de cette Centrafrique qu’ils veulent rebâtir ensemble et avec tous ceux qui ailleurs aussi dans le pays, posent des gestes de paix.