Le droit d’être un homme: Hommage à Joseph Wresinski

2 mars 2014 at 11 h 05 min

Vendredi 14 février 2014, alors que le soir est tombé, nous nous réunissons à la Cour. La coupure d’électricité a calmé tout le quartier. Gisèle donne le signal du commencement de notre « Hommage à Joseph Wresinski », fondateur d’ATD Quart Monde dont c’est l’anniversaire de la mort ce jour là. Elle nous demande de nous mettre debout pour une minute de silence.

Ce rassemblement est d’autant plus important que Bangui vit depuis des mois au cœur de la violence. Les membres, amis et alliés d’ATD Quart Monde y songent en cet instant, à la fois sur ce qu’ils ont vécu et vers ce quoi ils s’acheminent. La plupart sont réfugiés ou ont perdu un proche, un parent, un ami. Craignent de retourner chez eux. Certains habitent la Cour d’autres dans un camp ou chez un parent.

Puis nous lisons les extraits du texte de Joseph Wresinski du 9 novembre 1980. Gisèle lit en Français, Joël traduit paragraphe par paragraphe en Sang.

Le Droit d’être un homme

« Le mouvement nous appelle à créer entre nous la fraternité. C’est-à-dire que l’autre soit vraiment reconnu comme mon égal et que parce que l’autre est reconnu comme mon égal, il a droit de partager avec moi le meilleur de ce que je suis.

La fraternité, c’est la responsabilité commune de partage des uns et des autres.

Aussi, il ne s’agit pas seulement pour nous d’apprendre aux enfants à lire, à écrire ou à compter, ou de faire aimer l’école à travers les bibliothèques de rue. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas seulement de rendre les gens curieux, attentifs, de leur donner des méthodes… Il s’agit pour nous de forger l’esprit et le cœur des hommes, et des enfants, et des femmes les plus pauvres. Et de forger en retour notre propre cœur.

Ce qui est important d’apporter aussi bien aux plus pauvres qu’à nous-mêmes, c’est le respect de nous-mêmes et c’est le respect des autres. Introduire les gens dans le savoir, c’est les introduire avant tout dans le respect.

Ce que le mouvement veut, c’est aussi ouvrir à l’espérance. Et l’espérance, c’est que nous croyons vraiment que la misère n’est pas fatale, que la misère sera détruite, qu’elle est un accident dans l’humanité. Car la misère est anti-humaine.

Aucun homme ne peut être étranger sur la terre ! Aucun homme ne doit avoir peur ! Aucun ne doit être inutile ! Et c’est cela que nous devons nous rappeler quand nous entrons quelque part : Est-ce que lorsque je sortirai, ces enfants seront-ils moins étrangers ? Auront-ils moins peur ? Se sentiront-ils plus utiles ?

Alors, à ce moment-là, nous les introduirons dans l’espérance et dans l’amour. »

Michel présente la lampe qui brille au milieu de nous, suspendue au plafond, avec son verre multicolore : c’est une amie volontaire de Suisse, Marie-Rose, qui l’a offert pour l’équipe de RCA. Une maman très pauvre qui vit là-bas récupère des verres jetés, les peint et en fait une lampe. Elle revend ces objets d’artisanat pour faire vivre sa famille.

Puis viennent les enfants qui se placent au milieu de notre cercle et récitent des poèmes qu’ils ont appris à l’école Nicolas Barré. L’école a repris ses activités malgré les dangers. Chaque matin une animation pédagogique est proposée aux enfants qui habitent dans ce quartier.

Ils lisent ces poèmes :

La paix en RCA, lu par Chancelvie (9 ans)

O Centraficaine, O centrafricain

Pourquoi tu as chassé cette paix

de ce beau pays de Barthelemy Boganda

Chrétiens, Musulmans,

arrêtons notre haine

et notre méchanceté

Cultivons l’amour, la tolérance

le pardon et la réconciliation

Nous voulons aller à l’école !

Oh, la paix ! reviens vite nous habiter !

Nous voulons la paix, vite, la paix !

Texte de Monsieur Séverin.

RCA, Pays de Boganda, lu par Christiano (7 ans)

Nous voulons la paix en Centrafrique

Hommes, femmes et enfants,

Chrétiens et Musulmans

vivons ensemble

pour l’avenir de notre pays

Nous avons souffert, lu par Ulrich (6 ans)

Hommes, femmes, enfants

sont décédés

Aujourd’hui

nous voulons la paix

Pour cela il nous faut

la réconciliation

Musulmans et Chrétiens,

vivons ensemble

C’est le pays de Zokwézo.

L’hommage s’achève après avoir applaudi les enfants, en chantant ensemble trois chansons Tapori « Enfant du Monde Tends-moi la main » : « Nous irons jusqu’au bout du monde », Tapori Mama », « Les enfants, porteurs de la paix ». Enfin, nous partageons le chocolat que les amis du Centre International d’ATD Quart Monde nous ont fait parvenir.

Puis nous échangeons les nouvelles de la journée, en nous souvenant des amis de Mpoko, de St Pau, de Combattants, de Moukassa, de Koula-Mandja et de Danzi…