La vie à Bangui au jour le jour

18 janvier 2014 at 21 h 25 min

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Au coeur de Bangui, l’équipe ATD Quart Monde vit avec les familles réfugiées dans des constructions légères autour d’un espace, c’est là qu’ils vivent, dorment et mangent ensemble, c’est « la Cour ».

Ce jour là tout est paisible, les enfants sont sous la paillote en train de dessiner et de peindre dans un grand calme et une grande concentration.

Froukje, membre d’ATD Quart Monde : « Tu sèmes quelque chose pour l’avenir de ce peuple ainsi même si c’est tout petit ».

Michel, membre d’ATD Quart Monde : «quand ce sera là, au moment de la reconstruction, toutes ces petites choses serviront car la richesse humaine du pays devra être rassemblée, tout est précieux ».

Ils ont préparé 300 photocopies de Kirikou et autres dessins pour que les enfants rassemblés à l’aéroport puissent avoir la joie de colorier.

Joël, membre d’ATD Quart Monde : « On cherche à s’épauler, à oublier ce qui s’est passé. On forme une grande famille, ça fait l’ambiance. Il y a des règles aussi, comme dans toute société. Il ne faut pas que ça déborde, on donne des conseils aux enfants, de rester calmes. »

Froukje, membre d’ATD Quart Monde s’est rendue à l’église Saint-Sauveur où 16000 personnes ont trouvé refuge. Et ce nombre de personnes augmente. Là, l’Unicef, MSF passent mais le manque est surtout de sanitaires, l’eau… « De voir tous ces gens ayant fui leur maison, ça ne laisse pas indifférent. Je suis restée un bon moment en silence ».

Du coté de l’aéroport, c’est aussi toujours pareil. Aucune infrastructure installée. Dans la plupart des maisons beaucoup de personnes réfugiées ont été accueillies. Pour Froukje : « ce n’est pas demain que cela va changer, la moitié de Bangui est déplacée, les gens ne sont pas prêts à retourner chez eux, ils ont trop peur ».

Partout les gens s’organisent. Le petit commerce fonctionne encore et permet de se ravitailler. Dans les camps la vie se reconstitue comme dans un village. A l ‘église Saint Sauveur ce sont les Scouts qui font le service d’ordre, ils fouillent ceux qui entrent pour vérifier s’ils n’ont pas d’armes.

Froukje est allée à une cérémonie mortuaire à 400 mètres de la Cour pour le frère d’une choriste qui est décédé à 34 ans. La cérémonie a eu lieu sur place, dans la rue, parce que l’église est pleine de réfugiés. Ils étaient quinze membres de la chorale. « C’était impressionnant comme se mêlent les pleurs, les plaisanteries, les rires et la danse ».

Dans la Cour où vivent les familles, tout est calme. Apparemment. Michel commente: « les groupes armés se déplacent. Il faut rester prudents, et s’enfermer quand c’est trop proche. Hier soir, il y a eu vers 20 heures beaucoup de tirs, comme des feux d’artifices et des bruits de casseroles et des cris. En fait, la rumeur de la démission du Président circulait et engendrait des expressions de joie.»

Michel : « au bord de la route, les nouvelles circulent, les rumeurs. On se demande est-ce que les militaires sont assez robustes pour désarmer les civils. Même si le jour ça semble possible mais la nuit, c’est trouble. C’est comme s’il y avait deux faces. Les ONG humanitaires n’installent ni sanitaires, ni réservoir d’eau dans les lieux de grands regroupements de déplacés. Comment interpréter ça ? Est-ce que cela signifie qu’ils espèrent que les gens pourront bientôt retourner chez eux ? »

Un père vient visiter ses enfants réfugiés à la Cour. Il déplore que ses enfants n’aient que deux modèles : des hommes avec des armes ou des fonctionnaires qui ont de grosses voitures. « Ils ne voient pas, dit-il, leurs parents, paysans, ou autres petits travailleurs qui s’acharnent pour leur donner un avenir. Il faut qu’ils prennent conscience de cela ».

Quel avenir ?

Joël : « On a connu des mutineries successives, mais là, c’est une autre tournure. Nous aussi on se pose des questions. Est-ce que ça va s’arranger ? C’est la question très capitale. Aujourd’hui, on est bien, demain on a peur. C’est une question de dialogue, car il y a deux parties, les Seleka et les Anti-balaka. S’il n’y a pas de dialogue, ça va tourner mal. Ce qui prend du temps surtout, c’est le désarmement. On ne le sent pas encore. Des patrouilles se font, mais ça ne se passe pas encore comme ils disent. Un signe : les réfugiés ne veulent pas retourner chez eux. Avec les armes qui circulent, il y a trop de peur. On ne peut pas dire que ça va mieux, même si on le souhaite.

La réconciliation demande un travail du cœur, le pardon, la patience, pour qu’il n’y ait pas l’esprit de haine. Il faut ramener les gens à s’aimer. Ça mobilise aussi les notables, les chefs de quartiers ».