Mettre fin au cycle de la violence

3 avril 2014 at 15 h 12 min

Pierre a 11 ans. Il participe à la bibliothèque de rue qui se déroule dans le camp de réfugiés à l’aéroport. Son histoire ouvre une brèche dans la violence et pose des jalons sur le difficile chemin de réconciliation en Centrafrique.

La bibliothèque de rue est devenue un point de repère pour tout le monde dans le camp, où plus de 100 000 personnes ont trouvé refuge durant des mois depuis le début des violences.

Dans la journée, comme beaucoup d’autres enfants, Pierre doit quitter le camp pour aller chercher du bois pour la cuisine et faire diverses commissions pour aider sa famille. Sur le chemin du retour, il s’est rendu compte avoir oublié quelque chose que sa maman lui avait demandé et pour éviter d’être puni, il est retourné au quartier. Mais il était tard et Pierre avait peur d’être dans le quartier à la nuit tombée, en sachant que sa maman allait s’inquiéter et le chercher. Donc il s’est empressé de faire sa tâche et a pris le chemin du retour vers l’aéroport.

C’est alors qu’il a été attaqué. Un jeune homme l’a frappé et blessé avec une chicotte. Une attaque violente qui a laissé Pierre couvert de blessures, le pied cassé. C’est un père de famille qui passait par là, et qui en l’entendant pleurer et crier, l’a pris dans ses bras et l’a emmené au camp.(…) 

Daniel un jeune animateur de la bibliothèque de rue à l’aéroport, a créé avec une demi-douzaine d’autres jeunes une « équipe mobile » disponible pour soutenir les familles dans leurs démarches et veiller à la bonne marche du camp. Il raconte : « Dans le camp, tous les gens savent que si un enfant est perdu, il faut aller à l’équipe mobile d’ATD. Si un enfant est malade, pour qu’il soit vite soigné, ses parents l’emmènent nous voir, parce qu’ils savent qu’à l’hôpital le personnel nous connaît. » Donc Pierre a été amené à l’équipe d’ATD qui lui a demandé qui était sa famille, où elle résidait dans le camp, mais il était trop faible pour répondre.

L’équipe mobile a amené l’enfant à l’hôpital. Le lendemain, Pierre a pu dire à Daniel dans quel secteur se trouvait sa famille, et celle-ci est venue à l’hôpital. Les médecins de MSF ont dit que Pierre avait besoin d’un plâtre et qu’il fallait pour cela qu’il aille en ambulance dans un autre hôpital. Daniel l’a accompagné.

Plus tard dans la journée, Daniel a participé à une discussion avec des anti-balakas, un des groupes militaires les plus nombreux dans la zone. Il discute  régulièrement avec eux, les encourageant à rechercher la paix. Ce n’est pas sans risque, mais il connaît personnellement certains jeunes qui sont dans ce groupe, et peu à peu des dialogues ont pu se nouer.

« Ce qui s’est passé, c’est dangereux pour les enfants, ça peut créer encore plus de haine », leur a dit Daniel. Les anti-balakas ont dit qu’ils allaient en parler entre eux pour essayer de comprendre et savoir si c’était l’un d’eux qui avait attaqué Pierre.

Peu après, ils ont trouvé le jeune en question. Celui-ci a expliqué que cela venait du temps où il y avait de la violence dans le quartier où Pierre et lui habitaient. Pierre un jour l’avait insulté, lui disant des paroles que le jeune ne pouvait oublier, et depuis il le cherchait. Et quand il l’avait vu l’autre soir, il l’avait attaqué.

Daniel lui a demandé d’aller s’excuser devant la famille de l’enfant « pour que toute cette haine s’arrête. »

Ils sont allés ensemble voir la famille pour lui demander pardon. Avec des mots simples, le jeune a présenté ses excuses à la maman de Pierre. La grand-mère de l’enfant a dit : « Je voulais venger le sang versé par mon petit-fils. Mais comme tu es venu et que tu m’as parlé, je ne ferai rien ». Le jeune est reparti, la colère de la famille a disparu.

Quand la violence est anonyme, sans visage et sans nom, elle engendre une vengeance aveugle. Mais comme ce jeune, conseillé et accompagné par Daniel, a pu demander pardon, les choses ont changé, et le cycle de la violence, des mots cruels de Pierre à l’attaque sanglante, a pu être brisé, sans la force des armes mais grâce à la rencontre en vérité.

Se rencontrer pour se connaître, et pouvoir se pardonner, ce sont les germes de cette paix à laquelle aspire le peuple  de Centrafrique.