Ecouter et respecter les acteurs locaux pour mieux aider la Centrafrique
Les volontaires permanents du Mouvement ATD en Centrafrique ont été présents auprès des plus démunis avant que le violent conflit religieux ne déchire le pays. Leurs actions pour soutenir les populations locales ont permis de maintenir la solidarité et le lien social dans certaines communautés fragilisées par les luttes fratricides. Leurs présences continues auprès des citoyens ont font des acteurs et observateurs privilégiés de la situation actuelle. Global Voices a sollicité ces volontaires pour connaitre leur points de vue et les actions à mener pour reconstruire le pays; voici la deuxième partie de l’entretien avec Michel Besse et l’équipe de ATD-Quart Monde à Bangui. Vous pouvez lire la première partie de l’entretien ici.
GV: Quelles mesures prises à ce jour avez-vous observées qui ont été le plus utiles à la population ?
Pendant l’année de plomb qu’à vécu le pays en 2013, une douzaine de membres du Mouvement ATD Quart Monde, sont venus de leurs quartiers et de leurs villages chaque semaine jusqu’au Centre-Ville. Ils ont procédé à l’élaboration du programme d’action du Mouvement pour 4 ans, exprimer ce qui est le plus important pour leur pays ne pas laisser se perdre l’intelligence des enfants, et rejoindre d’autres qui souffrent plus encore ! Dans un pays ou même le lendemain est incertain, ils ont persévéré et résisté : malgré la pression de l’urgence et des dangers, malgré les incertitudes du présent, pour eux penser l’avenir était important. Ils voulaient semer l’espoir maintenant pour garantir l’avenir et ils continuent.
Vidéo d’enfants à Bangui avec des élèves d’autres pays, RCA.
GV: Vous dites qu’il est essentiel que les communautés se parlent et dialoguent pour résoudre les problèmes. Selon vous, quelles sont les conditions nécessaires pour que ce dialogue s’instaure. Comment la communauté internationale peut elle être d’une aide sur ce sujet ?
Ce que le Mouvement ATD Quart Monde a appris de l’expérience, pour l’avoir vécu ailleurs aussi, c’est que partout où il y a des catastrophes, des crises, les premiers à y faire face, ce sont les gens du pays, et en particulier les gens d’en bas : les habitants des quartiers qui s’organisent sans attendre l’aide internationale, ceux dont les paroles et les actes restent encore invisibles. La plus grande crainte, c’est que le fossé ne se creuse trop entre les communautés, et qu’il soit trop difficile ensuite d’envisager la réconciliation. Alors, chaque perte en vie humaine est une souffrance pour tous ceux qui veulent la paix. Il faut soutenir les initiatives qui vont dans le sens de la paix, aider à faire entendre les voix et voir les gestes qui portent cette aspiration profonde de fraternité et d’unité.
Les jeunes n’ont pas attendu que le recensement du camp de personnes déplacées de 100.000 soit fait à l’aéroport pour commencer des bibliothèques de rue. Chancella, Kevin et Herbert l’ont fait sans autres moyens qu’un tout petit peu de matériel, quelques crayons et leurs chansons mais surtout toute leur personne. Ils n’ont pas attendus pour se mettre au service communautaire dans les camps : aider les personnes malades à prendre leurs médicaments, aller chercher de l’eau pour les plus faibles, enterrer les morts, mais aussi les mères de familles à réorganiser leur petits commerces pour les besoins du camp et pour nourrir leur familles. Comme ces jeunes, ce que les habitants du pays espèrent, c’est d’être aidés mais en étant soutenus dans leurs initiatives.
Comment, avec l’aide internationale, soutenir la reconstruction du pays et ne pas contourner ceux qui sont les forces du pays ?
On l’a souvent vu ailleurs, l’état a été dénigré et contourné par l’aide internationale. Il faut soutenir les initiatives des gens du pays et ne pas les écraser. Comment dire qu’on ne peut se mettre derrière ceux qui sont engagés et ont une expérience et une réflexion sur ce qu’il faut faire, nourrie par des années d’engagement ? Les responsables d’une « maison » pour enfants vulnérables a vu des tonnes de riz distribué en rations individuelles… et les plus faibles se faire dépouiller, ou le vendre à vil prix pour avoir quelques sous. Ces responsables auraient su comment procéder avec ses collègues pour qu’il serve à tous les enfants, plus équitablement.
Comment recueillir l’avis des personnes, leurs idées, les prendre pour partenaires ?
Alors qu’elle était Maire de Bangui, l’actuelle Chef de l’État de la transition avait expliqué lors d’une table ronde des organismes humanitaires cet enjeu central : « des chefs de quartier peuvent sembler de vieux messieurs, des instituteurs sans travail depuis des mois ou des responsables d’associations de jeunes dont les locaux sont détruits depuis des années peuvent ne pas ressembler à des interlocuteurs habituels pour ces ONG, mais c’est pourtant avec eux qu’une action passe et peut être acceptée par les habitants ». C’est vital, et c’est d’ailleurs le principe de respect des peuples et un sens profond de la solidarité qui garantie la paix et le vrai progrès avec tous.