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« Puisqu’on est encore vivants, on pourrait se rassembler, afin de poursuivre le combat de la misère »

12 septembre 2014 at 20 h 24 min

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Ce blog « Lettres de Centrafrique » nous a permis durant les derniers mois de rester proches de nos amis de Centrafrique aux moments les plus difficiles de la crise que traverse le pays. Nous restons habités par leurs gestes de courage, leur sens de l’autre, même au cœur de la violence qui a meurtri les communautés. La vie reprend peu à peu, avec beaucoup de fragilité, son cours vers la normalité, toujours avec l’espoir profond d’une réconciliation durable. Nous voulons vous partager cette dernière lettre de l’équipe à travers ce blog que nous allons cesser d’alimenter. Nous continuerons bien sûr à rester en lien avec ceux qui continuent de se battre pour que la vie se transforme à partir de ceux qui ont le plus de mal à vivre ; nous vous donnerons des nouvelles sur le site du Mouvement ATD Quart Monde international d’une manière régulière.

« Se rassembler ». Dans la bouche de « papa » Pierre Tekpa, ami historique d’ATD Quart Monde à Bangui, ces mots ont repris des couleurs inespérées il y a encore quelques semaines.

En effet, le mois dernier, Monsieur Tekpa franchissait d’un pas précautionneux le portail de la cour, regardait à droite, à gauche, avançait quelques pas, puis s’approchait doucement, posant ses yeux sur chaque détail : de la fleur au toit de paille, des visages aux livres bien rangés. Oui, tout était là, et lui aussi. Et pour tous ceux qui étaient à la Cour, son apparitionétait un symbole du destin de tant de compatriotes.

Étant parti de son quartier pour cultiver son champ, l’an passé, à quelques 80 kms de la capitale, les combats ont augmenté en intensité alors qu’il était loin en brousse, et il n’a pu ni regagner son logement, ni communiquer avec personne pendant près de sept mois ! Pendant qu’à Bangui les amis du Mouvement posaient souvent la question : « Et « papa » Tekpa ? ». Sans réponse.

Et le voilà devant nous, son petit sac sous le bras, tête penchée et sourire en coin… « Tout le monde va bien. Et vous les amis ? Et ceux des autres pays ? Et ceux de tel et tel quartier de Bangui ? Racontez-moi ! ». Et de contempler l’album coloré des messages de soutiens venus du monde entier, pour des hommes comme lui, pour ceux, trop nombreux, qui ont vu beaucoup de souffrances.

Monsieur Tekpa a accepté l’invitation de participer à un chantier avec six jeunes, avec Charles et Joël ses vieux compagnons qui le retrouvaient à leur tour. Et lorsque chacun a pu causer, à la pause du chantier, évoquant le prochain 17 octobre 2014, Journée Mondiale du Refus de la Misère, « papa » Tekpa a eu cette idée: « Puisque on est encore vivants, on pourrait se rassembler, afin de poursuivre le combat de la misère. »

La vie du pays a connu ces derniers mois des étapes importantes sur le chemin du processus de paix. Après le forum de la société civile en juin à Bangui et la réunion de « Cessez-le-feu » en juillet à Brazzaville, un Forum de « Réconciliation » s’annonce dans les régions puis dans la capitale. Avec les Nations Unies qui vont amplifier leur présence et leurs moyens (MINUSCA), une perspective de négociations et une volonté politique de ne pas traîner devraient permettre de conduire le pays vers des élections générales et locales. Parallèlement à ces avancées, la reprise des examens des enfants du primaire et du secondaire a donné un signal positif,même si au niveau universitaire des conflits sociaux grèvent encore le bon fonctionnement de l’ensemble. Le quotidien n’est pas exempt de violences, comme ces assassinats de chauffeurs camerounais entraînant la fermeture de la frontière, la situation tragique des Centrafricains ayant fui vers le Cameroun ou le Tchad qui sont trop affaiblis et n’arrivent pas à survivre. Les défis sont grands, mais les gens ont le regard tourné vers l’avenir.

La vie du Mouvement ATD Quart-Monde, vue depuis la Cour à Bangui bat au rythme des crises que traverse le pays, et reprend des couleurs tous les jours un peu plus. La paillote sert encore et toujours à trouver un soutien, une écoute, autour du partage des nouvelles qui « pèsent sur le cœur » et que beaucoup n’ont pu raconter depuis longtemps. La salle des savoirs permet de se donner des nouvelles un peu plus « vécues » que les seuls « on-dit » qui circulent dans les quartiers des uns et des autres. Et les belles occasions de se réunir à près de 50 animateurs entre mai et juillet 2014, ont redonné de l’ambiance à la silencieuse maison ATD des mois précédents ! Dans les quartiers Walingba, Mbongossoua, et même vers l’aéroport Mpoko où se trouvent déplacées de nombreuses familles du quartier de Kokoro, les visites ou même les Bibliothèques de rues ont pu rassembler à nouveau grands et petits. Il y a peu, une délégation centrafricaine d’animateurs de Bibliothèques de rue atterrissait en Côte d’Ivoire, et rejoignait des amis du Burkina Faso pour donner des conseils aux « animateurs débutants » de Bouaké.

Ainsi, tant dans le pays que dans la vie du Mouvement, il est possible de reprendre la phrase de « papa » Tekpa : « Puisque nous sommes encore vivants, alors continuons le combat de la misère ».

C’est pourquoi, avec cette étape, nous souhaitons continuer de vous donner rendez-vous pour plus de nouvelles de la Centrafrique et de tous ceux que nous y connaissonspar le biais des articles du site ATD Quart Monde international où nous espérons bientôt vous retrouver. Le blog « Lettres de Centrafrique » spécialement dédié à cette période critique de 2013-2014 terminera peu à peu son service, mais à vous, chers amis et lecteurs, nous osons vous demander de témoigner autour de vous de ce qu’en RCA, comme partout, le combat de la misère continue. »

Nous avons essayé durant tous ces mois d’être à la hauteur du courage de nos amis de Centrafrique, en cultivant avec eux la volonté de témoigner qu’il est possible de chercher et de poser des gestes de fraternité et de paix quand la violence se déchaîne. Tous ces gestes de résistance, le courage de nos amis, des jeunes, des familles, ce qu’ils ont appris aussi en continuant de se rencontrer et de s’engager, sont des pierres pour reconstruire demain quand la paix sera revenue. Merci à eux pour tout ce qu’ils nous ont partagé.

 Délégation Générale d’ATD Quart Monde:

Isabelle Pypaert Perrin, Jacqueline Plaisir, Diana Skelton et Jean Toussaint

 

http://www.atd-quartmonde.org/-Republique-Centraficaine-.html

 

S’engager : pourquoi, pour qui, comment ? Formation des jeunes animateurs à Bouaké, Côte d’Ivoire

23 août 2014 at 10 h 20 min

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                                                                           Nos trois amis de Centrafrique : « ça fait du bien d’oublier un peu les soucis de mon pays »

 

Juillet 2014, je pars avec Flore et Herbert à Bouaké (Côte d’Ivoire) pour une formation des jeunes animateurs d’ATD Quart Monde engagés en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Des jeunes qui se soucient de l’avenir de leurs petits frères et sœurs. Le thème de la formation est : « s’engager : pourquoi, pour qui et comment ? »

Herbert : « Mon engagement, cela a commencé une nuit. Je rentrais d’un bal avec deux amis. On faisait à pied le dernier bout de chemin en passant par KM5. C’est le grand marché dans la journée à Bangui et la nuit c’est le carrefour des enfants qui vivent dans la rue. J’ai entendu les pleurs d’un enfant et j’ai demandé à mes potes qu’on aille voir. Ils m’ont dit, tu viens d’arriver à Bangui, nous on connaît, tu veux rentrer dans le marché à cette heure ? Je sais pas pourquoi, le courage m’est venu comme ça, dans mon cœur il y avait seulement « que Dieu me protège » et je suis parti voir les enfants …  »

Flore et lui animent depuis des années la « bibliothèque de marché » dans leur quartier, et ont rejoint les familles déplacées sur les sites de M’poko et Moukassa où ils dorment aussi avec les leurs. Ils participent à cette formation pour témoigner de leur engagement et partager leurs expériences avec des plus jeunes, afin de montrer que s’engager, ça fait bouger des choses.

Flore : « Moi, je m’engage pour mon pays et pour les personnes qui sont démunies, qui sont seules dans leur coin. Je veux m’approcher de tout le monde, des enfants à travers les animations, de leurs parents, pour se connaître et échanger des idées. » 

A Abidjan nous sommes accueillis chez M. Anoman Oguié, un ami de longue date qui fut président du mouvement international ATD Quart Monde. Un homme qui sait trouver des mots justes pour encourager Flore et Herbert venant d’un pays où la violence est encore présente. Il leur dit d’utiliser la tête et le cœur pour bâtir leur pays et non les armes. Il sait mettre en valeur leur engagement.

Et à Bouaké d’autres amis nous attendent. Les aînés Mouktar et Gaston, très touchés par notre arrivée : « si vous avez pu voyager, ça veut dire que le Centrafrique va mieux et c’est ça que nous souhaitons pour votre pays ». Et aussi Cheick, Aba, Enselme, Abdoulaye, Raphaël, Naabyuuré, des plus jeunes avides d’en savoir plus sur le mouvement.

On est une trentaine à participer à la formation. Les plus anciens nous partagent leur parcours, insistant sur ce qui les anime : chaque homme a sa valeur unique, chacun est une chance pour l’autre. Et Koffi ajoute : « il faut être vrai dans son engagement ».

Flore : «Je suis fière de mon choix, de tenir cet engagement avec ATD, avec les familles, les enfants, même si cela n’a pas été facile au début. Je pense à un petit garçon dans mon quartier, je pensais que c’était important de soutenir sa famille dans son souhait qu’il aille à l’école. Je n’avais pas l’argent pour payer sa scolarité alors je suis partie voir le directeur de l’école et j’ai expliqué la situation et mes motivations. Il a accepté ma demande. »

Awa continue : « Notre engagement c’est pour le bonheur des enfants et aussi une chance dans la vie ».

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                                                                                                                                                                                                                  Ensemble sur les outils de communication  

La formation se fait parfois en plénière en regardant des documentaires, et nous poursuivons nos réflexions en petits groupes autour de questions comme  « Comment soutenir les enfants dans leurs activités, sommes-nous assez ambitieux pour leur épanouissement ? »,

Cheick : « Nous devons amener les enfants à faire quelque chose extraordinaire pour qu’ils soit fiers d’eux-mêmes. »

Marie-Danielle : «  Il faut donner de sa personne, être impliqué, avoir des motsd’encouragement, créer une bonne ambiance. »

Ou encore « Qu’est-ce que nous apprenons de la vie des enfants et de leurs familles ? »

Félicien : « Il y a des gens qui décident pour les familles les plus pauvres. On leur impose des solutions sans les consulter.»

Alban : « Il y a beaucoup de préjugés sur les parents. On doit savoir que derrière chaque chose, il y a une raison. Ces parents nous disent l’importance de l’école, mais le travail est parfois plus important. Si on doit travailler le champ et garder des bœufs et en même temps inscrire l’enfant à l’école, ça coûte de l’argent, et en plus il faut payer quelqu’un pour surveiller les bœufs. On dit que l’école est gratuite mais l’inscription peut être gratuite, mais après, il y a les habits, la craie, l’assurance. Ca crée une inquiétude dès de début. On dit : ‘cette famille ne veut pas inscrire ses enfants’. Mais ce n’est pas vrai, elle sait bien l’importance de l’école, elle voit aussi plus large, elle sait qu’elle ne peut pas tenir jusqu’au bout. Le papa est découragé dès le début. Mais il faut du temps pour comprendre tout cela ». 

Et aussi « Vers où nous entraîne notre engagement ? ».

Aba : « Je pense à une petite fille, plusieurs fois elle vient à l’animation et elle disait toujours qu’elle devait rentrer vite à la maison parce que sa maman est malade. Je ne comprenais pas. Je suis allée chez elle. J’étais dépassé par ce que je voyais. Mon engagement m’a permis de découvrir l’extrême pauvreté dans mon quartier. »

Herbert : « En décembre 2013, tout le monde de Kokoro a quitté sa maison pour se protéger sur l’aéroport. Un moment que je n’oublierai jamais. J’habite sur ce site, je sillonne le camp et je me rends compte que je suis là avec tous les enfants de la bibliothèque du marché, ces enfants qui se retrouvent parmi des centaines d’autres. On est là, tous ensemble. Ce sont eux, les enfants, qui m’ont poussé à agir sur ce lieu tellement énorme. Alors j’ai nettoyé un coin d’un terrain avec ma maman et d’autres mamans de Kokoro. J’ai commencé avec des chants, des livres et d’autres jeunes sont venus me soutenir. Les mauvaises images que les enfants avaient, quand ils sont venus sur notre site, ont disparu. On voyait la tristesse disparaître sur les visages, on voyait de nouveau des sourires, on ne voyait plus la peur. »

Nous partons dans les quartiers de Gbintou et Banco où les jeunes font leurs activités. Les enfants accueillent les étrangers comme des amis. Herbert apprend aux enfants de nouveaux jeux, Flore les fait danser. « ça fait du bien d’oublier un peu les soucis de mon pays ». Elle aussi fait oublier aux enfants leurs soucis quotidiens, ils la suivent dans tous ses gestes.

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                                                                                                                                                                                                       Flore chante avec les enfants de Bouaké 

Les jeunes se reconnaissant, se donnent de la force. Ils se questionnent et s’encouragent à surmonter les difficultés inhérentes à tout engagement.

Flore : « Avec le mouvement nous donnons valeur à tout le monde, la dignité de chacun est importante. L’engagement est là, tous les jours. Si je reste dans mon coin, je ne peux pas connaître des nouvelles personnes, il faut s’approcher d’autres, d’autres qui souffrent. Si je ne vais pas chez eux, je ne sais pas ce qu’ils vivent. On doit se mettre tous ensemble, pour bâtir le monde. »

Herbert : « Chaque fois que je veux quitter ma nouvelle vie avec ATD Quart Monde, ma conscience me dérange. Alors je reviens et je me sens à l’aise. C’est difficile de quitter ce mode de vie que j’ai gagné avec les amis d’ATD. C’est comme si j’avais signé un contrat avec les familles, si je m’en vais, c’est comme si j’abandonne quelque chose, on a une vie à protéger. C’est tellement précieux qu’on ne peut plus lâcher. »

 

Franck nous dit : « Tous ceux qui étudient les sciences sociales et la philosophie devraient participer à cette formation. Cela leur apprendrait à mieux regarder la société qui va à deux vitesses et laisse les plus pauvres de côté.»

Abdoulaye : « Pas d’exclusion ici, des jeunes de tous bords se sont mis ensemble. »

Raphaël : « J’ai trouvé une famille en ATD Quart Monde. »

Voilà l’engagement de Flore, de Herbert, d’Enselme, d’Edith et tant des jeunes ici à Bangui, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et partout dans le monde. Cette jeunesse qui m’épate, qui nous questionne et nous bouscule. Mais surtout une jeunesse qui veut construire un monde où chacun vraiment a sa place.

 

Bangui, 4 août 2014

Froukje Dijkstra                    

 

 

SAMSUNG CAMERA PICTURESLes animateurs de bibliothèques de rue du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire et de République de Centrafrique à la fin de leur formation à Bouaké

Vers la citoyenneté par le chemin de la paix

8 juillet 2014 at 11 h 22 min

140611 Umuseke 21Atelier d’expression pour les animateurs de jeunes et adolescents:« Soyez le lion! »… de la paix!

 Coincidence ? Au moment où la présidente de la République de Centrafrique réunissait des personnalités représentatives du pays pour réfléchir à la reconnaissance mutuelle de tous comme citoyens à part entière, au delà des appartenances ou des divisions, 50 jeunes animateurs de diverses associations s’engageaient pour une « Citoyenneté par le chemin de la Paix » à la Cour ATD de Bangui.C’est pour «ouvrir les consciences», réfléchir ensemble aux mécanismes qui ont conduit au conflit et se mobiliser pour une citoyenneté créatrice de paix, que 25 jeunes de réseaux d’action sociale et du milieu scolaire, ainsi que 25 jeunes membres du Mouvement ont participé à des journées préparées par ATD Quart Monde, en partenariat avec l’association rwandaise «Umuseke» (L’aurore, en kynyarwanda).Dans cette période incertaine pour le pays, les cœurs et les esprits se sont rassemblés autour d’un même acte de confiance : « C’est maintenant que notre pays a besoin de ce message ». Rien n’a entamé le souhait de se rassembler et de prendre ensemble du recul pour « se faire ensemble une idée de la paix » selon un participant.

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Trois jours d’écoute attentive, et des notes sur le carnet de bord qui repartiront sur les chemins

 

 

Accueillis à la Cour, momentanément rebaptisée «Linga ti Siriri » («tambour de paix», en sangö) par une élue de proximité, chef d’un quartier de Bangui, les participants centrafricains et les animatrices venues de loin découvraient que la vie citoyenne commence dans des responsabilités prises depuis la base.

Un fil, des pinces à linge, 29 dessins de scènes de la vie quotidienne: voilà la base pédagogique à laquelle les animateurs se sont exercés pour aider au dialogue dans leurs communautés. Quel plaisir que cette occasion de faire la lumière sur les préjugés qui détruisent : « Il y a des faits et des méfaits. On dit que tous les mandja sont des voleurs, que toutes les femmes banda sont infidèles, que tous les hommes ici ont des « deuxièmes bureaux », tous les musulmans sont armés, tous les chrétiens ont des machettes, tous les « godobés (enfants travailleurs) » sont des voleurs et des brigands. Avec ces jugements, on ne respecte pas la personne. On juge par l’appartenance au groupe. La personne touchée est étiquetée et perd sa dignité comme personne unique. Ça le conduit à la révolte, la revanche. Cela amène au conflit ».

 La pédagogie reprend deux grandes étapes : les sources des conflits (mise en lumière des perceptions, généralisations, préjugés, rumeurs) et les possibles solutions. En abordant les sources des conflits, plusieurs des participants ont senti qu’ils pouvaient mieux analyser des choses qui leur étaient arrivées ces derniers mois. (…)

Quatre jeunes et plein d’enfants transforment un abri pour réfugiés en un refuge de la beauté.

1 juin 2014 at 15 h 08 min

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Novembre 2013.

Quatre stagiaires, Antoine, Hector, Jean et Daniel, entrent dans la Cour du Mouvement ATD Quart Monde à Bangui. Ils s’engagent bénévolement depuis quelques années et ont souhaité faire un stage de découverte d’ATD Quart Monde pour trois mois à mi-temps. Nous, les volontaires de l’équipe ATD de Bangui, sommes heureux de les accueillir pour faire un bout de chemin ensemble. Nous sommes heureux aussi qu’ils aient envie de rechercher la parole, les savoirs de ceux qui sont les plus isolés dans leur quartier, leur village, leur pays.

Pendant deux ans, ces quatre jeunes ont participé à un travail d’écriture et produit un DVD « Enfant du monde, tends moi la main ». Avec d’autres animateurs, des enfants et des parents de Bangui et alentours , ils l’ont enregistré et tourné dans de nombreux lieux de vie.  

Antoine vit au centre de Bangui. Il déborde de créativité et d’imagination. Il rassemble souvent les enfants de son quartier autour d’un livre, un conte … puis le dessin. Ses mains font des merveilles et il transmet cet amour pour l’art avec plaisir. Il est proche des enfants, il sait les accueillir et recueillir leurs mots, leurs pensées.

Un des objectifs  du stage était d’organiser une tournée dans les quartiers où des enfants avaient participé à ce DVD pour redonner la fierté et enthousiasme. Ils ont commencé à travailler sur des affiches et une banderole et sont partis dans les quartiers afin de rencontrer leurs chefs de quartier, les parents, d’autres jeunes animateurs pour récolter des idées pour un après midi festif. Avec les enfants de plusieurs quartiers, ils ont préparé un sketch sur la paix.

Jean vient d’un village à 20km de Bangui. Jean est le plus jeune. Arriver à la Cour est un défi qu’il relève avec honneur. Durant tous ces mois,  Jean arrive souvent le premier. Il prend des chemins alternatifs, dort parfois à Bangui. Mais il est là, fidèle à ses camarades. Toujours avec un sac à dos pour apporter quelques livres dans son village, partager les histoires avec les enfants.

 

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Décembre 2013 – Janvier 2014

Le mois de décembre arrive avec des événements violents. Nous sommes obligés d’arrêter le stage pour deux mois pour préserver la sécurité de chacun. Mais nous restons en lien. Les quatre jeunes passent à la Cour pour échanger, donner des nouvelles de leur quartier. « On est ensemble et on reste ensemble » dit Hector fortement.

Daniel vit avec sa famille sur le site de l’aéroport « Bangui-Mpoko ». Il a pris deux semaines pour « s’habituer, s’installer » sur le site ; mais bien vite son âme d’animateur a repris le dessus. Autour de Noël il a recommencé la bibliothèque, sur le site de Mpoko. Depuis, il rassemble, avec une équipe mobile, des centaines d’enfants pour chanter, jouer, danser, écouter des contes.

 Février, mars

Nous reprenons le stage, mais autrement que prévu. Nous nous donnons rendez-vous tous les jeudis pour faire l’animation avec les enfants au sein de l’association  « la Voix du Cœur ». C’est aussi un rendez-vous régulier pour réfléchir comment continuer. Se retrouver, échanger, discuter, ça fait tenir ensemble et donne de la force et du courage !

Hector doit traverser le fleuve chaque fois, mais cela ne l’empêche pas de venir très régulièrement, même en dehors des jours prévus. Pour nous donner des nouvelles, pour être en lien avec d’autres et avec le monde. Hector est là pour l’amitié, pour partager son savoir et pour que les enfants de son pays avancent.

 Avril

Le stage continue. Tous les quatre sont là tous les mercredis à la Cour mais la tournée du DVD n’est pas encore possible. Ils cherchent quoi faire pour donner joie et fierté aux enfants. Antoine propose d’aller là où on a des amis qu’on peut voir sans risques. Et les voilà qui partent chaque jeudi sur le site de  M’Poko pour soutenir leur ami Daniel dans ses activités. Ils ont envie de créer avec les enfants quelque chose de beau, tous ensemble, pour laisser une trace de cette période de plusieurs mois sur le site : un message sur un lieu de passage. Ce sera un cadeau pour l’hôpital mobile de Médecins Sans Frontières : « pour que le chagrin disparaisse un moment ».

Les quatre stagiaires travaillent de pied ferme avec d’autres jeunes déjà engagés sur le site depuis des mois. Ils laissent une liberté énorme aux enfants qui peignent sur une grande bâche du HCR [1] de 20m². Le bonheur complet. Les enfants sont concentrés, prennent leur temps, suivent soigneusement les silhouettes avec les pinceaux, tellement ils ont envie de contribuer en beauté. Quelques adultes se mettent eux aussi à dessiner et peindre. Cela devient une fresque aux couleurs vives, avec des silhouettes d’enfants, des mots de paix, tracés par des centaines de mains.

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Après quelques retouches à la Cour, la fresque repart vers le site de M’Poko. Les jeunes montent une armature de bois pour que la fresque soit mise en valeur dans l’hôpital mobile, aidés par le personnel.

Fin  mai, avec une délégation d’enfants, nos stagiaires offrent officiellement leur œuvre à l’hôpital de MSF. Un moment simple et beau où les enfants expliquent ce qu’est la paix pour eux : « jouer ensemble ; pouvoir aller à l’école ; être ici avec vous sans entendre des tirs des armes ; manger tranquillement avec mes parents ». Et ils offrent cette fresque colorée « pour que les personnes malades, fatiguées soient heureuses en la voyant ». Quatre jeunes et plein d’enfants ont transformé ce qui était un abri pour des réfugiés en un refuge de la beauté.

 Les circonstances du pays ont bouleversé le déroulement du stage. C’était un sacré défi de persévérer et de finir ensemble en beauté. Ils l’ont relevé avec succès !  Un grand coup de chapeau pour cet esprit d’équipe, et pour être allés jusqu’au bout !

[1]    Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies

« Unifier la famille humaine dans toute sa diversité, créer la paix »

22 mai 2014 at 10 h 15 min

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Les volontaires de l’équipe de Bangui, Michel et Froukje, se sont rendus pour la première fois sur le site de déplacés de M’Poko, près de l’aéroport de Bangui. Ils y ont découvert un terrain vaste avec des milliers des familles qui vivent dans des tentes faites de bâches, de pagnes, de plastiques, de feuilles d’arbres. Chacun déploie des trésors d’organisation pour que la vie continue. Nora vend des repas près de la tente où les jeunes animateurs d’ATD Quart Monde font leurs activités. « La vie n’est pas facile, mais grâce à Dieu, on est là » dit-elle en accueillant les volontaires.

Au bureau de Première Urgence, des jeunes s’activent sur la préparation d’une intervention au sujet des deux semaines de sensibilisation qu’ils ont faites sur le site. Plus tard dans l’après midi, ces mêmes jeunes font le compte rendu lors de la réunion avec les responsables.

 Geena est très satisfaite de ces deux semaines de sensibilisation auxquelles elle a participé bénévolement avec des jeunes d’ATD Quart Monde et d’autres organisations. Les animateurs étaient tristes de se séparer à M’Poko. Les chefs de plusieurs quartiers ont demandé à Ulrich de continuer ailleurs, dans d’autres quartiers.

Parmi les jeunes, les idées fusent : nettoyage de canaux en cette saison des pluies, activités dans les écoles pour encourager la reprise. Même s’ils sont conscients qu’ils ne peuvent s’engager partout, l’idée germe de mobiliser d’autres jeunes là où chacun a des liens. (…) Romain a un projet dans son quartier. Il vient de passer une semaine à y faire des travaux d’assainissement avec sa famille. Il voudrait créer une association de jeunes dont le but serait de faire des actions pour le quartier en lien avec un comité d’adultes, de parler de la santé, de changer les mentalités car « comme la violence a duré, on pense qu’il n’y a plus que ça ». Leur nom: «  Espoir des Jeunes ».

Une bache qui illustre les espoirs..

Le logo serait un bonhomme : un pied pour « solidaire », un autre pied pour « citoyen », une main pour l’« amitié » et une autre main pour l’« intelligence » (ou « apprendre »). La tête, avec deux yeux grands ouverts, portera le mot Espoir. C’est fort de tout ce qu’ils vivent ensemble dans leurs actions avec les enfants, dans les écoles, que Romain aujourd’hui se tient debout avec des rêves et des projets plein la tête et les mains.

 Hector, qui anime une bibliothèque sur une île face à la ville de Bangui, continue : «  il faut cultiver la solidarité parmi les gens qui ne connaissent pas la paix. Nous sommes des exemples qui peuvent partager ça. Quand le pays sera libre, nous serons libres pour aller dans chaque site partager cette amitié. Ce qu’on a fait avec Ulrich à M’Poko, on ne peut pas laisser que les enfants des autres sites perdent ce savoir. Quand le pays ne sera plus malade, on pourra partager le savoir aux enfants d’autres sites. »

 Ces rêves rejoignent les efforts de paix du pays. Le ministère de la communication et la réconciliation a lancé une campagne d’affichage dans toute la ville avec des dessins de divers artistes locaux soutenue par quelques ONG. Un ami artiste, Antoine, participe à cette campagne, son affiche porte un beau dessin avec une phrase en français et en sango : « Nous voulons vivre ensemble – I yé ti douti oko ».

 Au cours d’une animation tout le mois d’avril, les enfants guidés par les jeunes ont peint une bâche magnifique pour laisser une trace là où ils vivent aujourd’hui. Elle représente leurs espoirs pour demain, avec cette phrase qui fait partie de la mission d’ATD Quart Monde en Centrafrique : « Unifier la famille humaine dans toute sa diversité et donc créer la paix ». Elle sera remise bientôt à Médecins Sans Frontière à l’occasion d’une réception festive.

Antoine ajoute « on veut montrer que les jeunes ont fait de bonnes choses, il n’y a pas que les violences qui se cultivent, on cultive aussi la paix». (….)

La passion de s’engager pour l’avenir des enfants

5 mai 2014 at 13 h 56 min

Le vendredi 4 avril 2014, une trentaine de jeunes étaient rassemblés à la Cour ATD Quart Monde à Bangui, invités par un jeune animateur de bibliothèque de rue, Daniel, connu pour son engagement auprès des enfants sur le site des déplacés de Mpoko à l’aéroport. Il avait été chargé par une ONG de former une équipe bénévole à même de mener un travail de de sensibilisation sur le thème « Protection de l’Enfance » pendant 15 jours sur l’ensemble du site qui regroupe 70.000 déplacés.

C’est la première fois depuis six mois qu’une rencontre pouvait avoir lieu à la Cour. Elle a permis de faire découvrir ATD Quart Monde à ces jeunes, tous actifs et engagés auprès de leurs petits frères et sœurs. Des chants et des jeux ont placé la matinée sous le signe du partage des talents et des savoirs. Daniel a invité chacun à se présenter ce qui a permis de mieux connaître les objectifs des associations présentes. Puis, au cours d’ateliers, les uns et les autres sont  entrés dans les thématiques de la protection de l’enfance.

Sans l’engagement durable de Daniel, ancré dans toute cette histoire, une telle matinée n’aurait pu avoir lieu.

L’enracinement par le milieu et par l’action

Daniel est animateur depuis longtemps et dans plusieurs domaines : basket, Maison des jeunes, prévention du VIH. Il fa le lien entre les membres de sa propre famille, met en relation les uns et les autres dans les différentes « maisonnées » de son réseau familial. Il est connu et apprécié. On voit dépasser de loin sa tête de géant.

Déjà, en 2008, dans son quartier, Kokoro-Boeing, des familles et des membres d’ATD Quart Monde avaient lancé une action Santé-Éducation: l’entretien de canaux d’évacuation des eaux stagnantes, lors des pluies.  Ce travail avait aussi favorisé la rencontre avec les personnes les plus exclues, partageant leur souci de la santé des bébés, menacés par le paludisme. Des liens se sont créés, une bibliothèque de marché a été lancée : Daniel en était…

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Préparer une réunion d’animateurs de bibliothèque, réaliser et évaluer l’activité, se former pour acquérir des connaissances de base sur le conte, le chant et la danse, être en situation d’écoute confiante avec les enfants, créer des activités artistiques : tout cela, Daniel a appris à le faire, avec le souci d’y réfléchir avec les autres animateurs. Agir et réfléchir, partager et se former, c’est devenu naturel.

La persévérance au temps des épreuves

Au cours de l’année 2013, sa famille et lui ont leur part d’épreuves : perte d’êtres chers, séparation, réduction de l’espace

vital, etc.  Daniel a tout de même continué à créer des liens : « si j’en reste aux « on dit » (« on dit qu’il ne faut pas aller par là, pas sortir, pas parler avec un tel » ), alors je ne sortirai jamais de mon trou ! » dit-il.

Lors des affrontements entre milices armées, puis lors des représailles sur la population en décembre 2013, Daniel et son quartier se sont retrouvés parmi les 500.000 Banguissois déplacés, sur le plus grand des 50 sites, à Mpoko-Aéroport. La sécurité des enfants y est incertaine.

Daniel y a retrouvé les enfants et les familles de sa bibliothèque de marché ainsi que des amis animateurs. Sans attendre, ils se sont rendus disponibles auprès des familles : pour traduire lors d’une vaccination, assurer une distribution de vivres, aider les équipes chargées de l’inhumation des défunts. Mais surtout, sur des bâches récupérées au siège d’ATD et ramenées en « pousse » jusqu’au site, ils ont créé un espace nouveau pour un rendez-vous quotidien : la bibliothèque de rue.

En deux semaines, avec Deo, Nelson, Alma, Patrice, Louis et Colin, et bien d’autres, ils ont commencé à danser et à chanter avec les enfants qui amenaient avec eux leurs amis. Daniel a senti la nécessité d’inventer des bibliothèques à domicile, rendant visite à chaque enfant pour gagner la confiance des parents. Certains soirs, en fixant des thèmes de discussions adaptés aux adolescents, il a réussi à faire parler des garçons et filles. L’espace est devenu un lieu de recours: on y vient en cas de difficulté. (…) 

Bangui : prendre nos responsabilités

26 avril 2014 at 8 h 13 min

Tant de choses ont changé depuis un an en République Centrafricaine. En mars 2013, le gouvernement a été renversé et depuis décembre un nouveau cycle de conflits et d’incertitudes a affecté des millions de vies. Mais qu’est-ce que cela signifie dans la vie de tous les jours, en terme de courage et de lutte ?

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Germaine, une amie d’ATD Quart Monde, doit parcourir de plus grandes distances pour faire vivre son petit commerce. La plupart des musulmans ont fui Bangui, et avec eux une grande partie de l’économie de la ville. Beaucoup d’entre eux travaillaient comme intermédiaires dans l’importation de marchandises depuis l’étranger,  si bien qu’en leur absence, Germaine doit se rendre en pirogue en République Démocratique du Congo (RDC ) pour acheter des produits. Au final, elle gagne moins  – tout est plus cher en RDC – une fois déduit le coût du voyage aller et retour.Il y a une lassitude croissante parmi la population. Mais récemment, une réunion de prière pour la paix a eu lieu au stade de basket-ball principal, avec la participation de membres de toutes les confessions religieuses, de la Ministre de la communication et de la réconciliation nationale, ainsi que des membres de groupes armés. Boris a participé et a fait remarquer que c’était la première fois en un an qu’il assistait à un meeting d’une telle ampleur.

Dans la Cour de la maison d’ATD Quart Monde, où des amis sont encore hébergés jusqu’à ce qu’ils puissent rentrer chez eux, notre équipe essaie par tous les moyens de continuer avec les activités planifiées avant le début de la dernière vague de violence. Chaque dimanche, c’est  » Ciné Savoir « .  Au programme, des films du monde entier. C’est celui sur l’Afrique du Sud qui a le plus touché les personnes présentes.  «  C’est le genre de film dont notre pays a besoin » ont dit certains : un film qui aide à visualiser le pays et à le voir sous un jour positif.

Les jeunes animateurs des bibliothèques de rue, amis de longue date du Mouvement ou jeunes stagiaires, continuent d’apporter des livres et des activités artistiques dans le camp de réfugiés près de l’aéroport. Ils travaillent également pour aider les nouveaux arrivants dans le camp à s’orienter et à trouver leur chemin. La bibliothèque de rue est devenue une sorte de point de référence pour tout le monde dans le camp. Une journée portes ouvertes en février a permis de faire connaître le travail effectué à une large audience.

pirogue sur le fleuve Oubangui (DR)

pirogue sur le fleuve Oubangui (DR)

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Etre en lien, avoir des nouvelles de la famille, des amis, c’est tenir ensemble …

18 avril 2014 at 15 h 29 min

arton3606 2Dans ce temps de crise, une grande part du travail de notre équipe à Bangui consiste à maintenir des liens et partager des nouvelles. Voici une réflexion écrite par Froukje Dijkstra, une des volontaires de cette équipe.Comment tenir le coup ? Guy raconte : « quand on a du fuir la violence dans la nuit, nous étions cachés à 4km de notre village, dans la brousse. J’ai dit aux animateurs et aux familles qui étaient avec moi : nous ne sommes pas seuls, nos amis dans le monde nous font parvenir des messages à la Cour, en ce moment même. Et je ne me suis pas trompé. On va s’en sortir. Vive l’amitié, et vive la solidarité. »

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A Bangui, chaque jour, les habitants inventent leur réponse. Et celle qui vient spontanément c’est être en lien avec d’autres, avoir des nouvelles des autres, loin ou proches. C’est cela qui vous donne du courage, de la joie et de la force pour continuer à croire qu’il y aura un demain meilleur.

Pour Bruno : « tant qu’on peut avoir des nouvelles, on peut tenir. Des nouvelles de notre famille, de notre pays et de nos amis, d’ici et d’ailleurs ». Clara ajoute : « même si la situation est difficile dans le quartier, il faut au moins sortir pour avoir des nouvelles ».

Sur l’un des plus importants sites de personnes déplacées de Bangui, une douzaine de poste radios ont été offerts par une ONG. Le porte-parole des habitants du camp souligne : « Sans information, c’est la désinformation ». Et il envisage avec d’autres d’organiser des points d’information à heures régulières pour se regrouper et écouter ensemble les nouvelles aux postes.

 Pour Gilbert : « Le travail, c’est aussi un lieu de rassemblement pour faire des échanges. Je vais au travail même si cela fait six mois que je ne suis pas payé. Tous les jours quand on se voit, on se retrouve, on se console : « comme ça ne va pas chez toi, viens chez nous ». Ça consolide les liens. Quelqu’un qui accepte de t’accueillir chez lui, c’est très fort. Les enfants vont s’en souvenir ».

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Etre informé est important mais aussi se savoir soutenu.     (…)

Mettre fin au cycle de la violence

3 avril 2014 at 15 h 12 min

Pierre a 11 ans. Il participe à la bibliothèque de rue qui se déroule dans le camp de réfugiés à l’aéroport. Son histoire ouvre une brèche dans la violence et pose des jalons sur le difficile chemin de réconciliation en Centrafrique.

La bibliothèque de rue est devenue un point de repère pour tout le monde dans le camp, où plus de 100 000 personnes ont trouvé refuge durant des mois depuis le début des violences.

Dans la journée, comme beaucoup d’autres enfants, Pierre doit quitter le camp pour aller chercher du bois pour la cuisine et faire diverses commissions pour aider sa famille. Sur le chemin du retour, il s’est rendu compte avoir oublié quelque chose que sa maman lui avait demandé et pour éviter d’être puni, il est retourné au quartier. Mais il était tard et Pierre avait peur d’être dans le quartier à la nuit tombée, en sachant que sa maman allait s’inquiéter et le chercher. Donc il s’est empressé de faire sa tâche et a pris le chemin du retour vers l’aéroport.

C’est alors qu’il a été attaqué. Un jeune homme l’a frappé et blessé avec une chicotte. Une attaque violente qui a laissé Pierre couvert de blessures, le pied cassé. C’est un père de famille qui passait par là, et qui en l’entendant pleurer et crier, l’a pris dans ses bras et l’a emmené au camp.(…) 

Artisan de paix dans sa classe : un poème pour la paix

21 mars 2014 at 10 h 42 min

rubon580-a33e3Le 13 mars dernier, les animateurs du groupe Tapori ( mouvement d’enfant d’ATD Quart Monde) du quartier Walingba à Bangui, Hervé et Ruffin,  visitaient une classe de Cours Préparatoire de l’école St François dans le quartier Fouh, à Bangui. Hervé et Ruffin sont eux-mêmes, déplacés de leur quartier depuis deux mois et demi. Ne pouvant plus rassembler les enfants de leur voisinage, ils étaient heureux de trouver une occasion de revoir tant d’enfants. Ils étaient accompagnés pour cette visite de six autres jeunes « JFra », jeunes franciscains, Igor, Chanel, Anaïs, Roberta, Padre Pio et Mamadou Eliezer.

A l’école ils ont été accueillis par l’une des enseignantes qui compte 68 élèves enregistrés dans sa classe.

Ce matin là, 60 étaient présents. L’école a repris maintenant depuis trois semaines. La première semaine une trentaine étaient présents et peu à peu les rangs se sont regarnis.

Parmi les absents, trois élèves sont partis du pays, suivant leurs parents au Maroc ou au Cameroun, mais cinq autres sont bien là dans le quartier, ils hésitent à revenir en classe, c’est la peur qui est la plus forte…

Parmi les élèves, E. se distingue : il est plus grand que tous les autres, plus expressif, même si ses mots ne sont pas toujours compréhensibles car E. est un enfant handicapé, ce qui n’empêche qu’il sait se faire comprendre. Il est accepté par tous et chéri par sa maîtresse!

Dans la classe, les élèves dessinent la carte de la RCA. Thème proposé « ce que j’aime beaucoup dans mon pays ».

Les enfants dessinent des fleurs, des avions, des drapeaux et des écoles apparaissent de tous côtés. Les dessins seront rassemblés dans les « albums de la paix » et complétés la semaine prochaine par des « messages de paix ».

L’ambiance est détendue dans la classe. On rit gaiement en voyant le beau parapluie qu’E. arbore fièrement sur « sa »  Centrafrique. « Quel beau dessin! … Et c’est lui qui l’a fait tout seul », dit avec un clin d’œil l’institutrice qui a guidé patiemment la main du jeune dessinateur!

A l’issue de cette séance de dessin, toutes les œuvres sont rassemblées. Les animateurs Tapori et les Jeunes Franciscains remercient les enfants et leur institutrice. Alors qu’ils se dirigent vers la sortie, soudain les enfants se lèvent et entonnent leur récitation intitulée: « La Paix ».

La paix est très importante pour le pays

Car elle n’a pas de prix

Je vous en prie mes frères et sœurs

et les politiciens

Il est temps de venir reconstituer notre pays

pour sauver l’avenir de nos enfants

baissez vos armes, vos machettes

cessez la discrimination

Nous voulons la Paix,

rien que la paix en Centrafrique

Ce texte récité par cœur est de Mme Liliane Baka, l’enseignante. Les animateurs sont repartis, la remerciant, elle, véritable artisan de paix depuis sa salle de classe, dans ce quartier Fouh, l’un des plus meurtris par la crise et la violence à Bangui.